|
Le régime foncier est le rapport, défini par la loi ou la coutume, qui existe entre des individus ou des groupes relativement aux terres. (Par souci de simplicité, le terme «terre», tel qu’utilisé ici, inclut aussi les autres ressources naturelles comme l’eau et les arbres.) C’est une institution, c’est-à-dire un ensemble de règles élaborées par une société pour régir le comportement de ses membres. Ces règles définissent la répartition des droits de propriété sur les terres, les modalités d’attribution des droits d’utilisation, de contrôle et de transfert des terres ainsi que les responsabilités et limitations correspondantes. Plus simplement, le régime foncier détermine qui peut utiliser quelles ressources pendant combien de temps et dans quelles conditions.
Le régime foncier est un élément important des structures sociales, politiques et économiques. Il est multidimensionnel puisqu’il fait entrer en jeu des facteurs sociaux, techniques, économiques, institutionnels, juridiques et politiques qui sont souvent négligés mais doivent être pris en considération. Les rapports régis par le régime foncier sont parfois clairement définis, et leur respect peut être assuré par un tribunal officiel ou les structures coutumières d’une société, mais il arrive aussi qu’ils soient relativement mal définis et entachés d’ambiguïtés que certains peuvent chercher à exploiter.
|
|
|
|
Le régime foncier est donc constitué d’un ensemble d’intérêts qui se recoupent, notamment :
|
|
|
|
- Des intérêts prépondérants: lorsqu’une puissance souveraine (p. ex. une nation ou une collectivité) jouit du pouvoir d’attribuer des terres, de les exproprier, etc.).
- Des intérêts se chevauchant: lorsque plusieurs parties jouissent de droits différents sur la même parcelle de terre (une partie peut détenir des droits d’affermage, une autre un droit de passage, etc.).
- Des intérêts complémentaires: lorsque différentes parties partagent le même intérêt relativement à la même parcelle de terre (p. ex. lorsque des membres d’une même communauté possèdent en commun des droits sur les pâturages, etc.).
- Des intérêts concurrents: lorsque différentes parties revendiquent les mêmes intérêts relativement à la même parcelle (p. ex. lorsque deux parties revendiquent indépendamment le droit à l’utilisation exclusive d’une parcelle de terre agricole. Une telle situation peut être à l’origine de conflits fonciers.).
|
|
On peut souvent caractériser les régimes fonciers comme suit:
|
|
|
|
- Régime privé: l’attribution de droits à une partie privée pouvant être un particulier, un couple marié, un groupe d’individus ou une entité constituée, comme une société commerciale ou une organisation à but non lucratif. Par exemple, au sein d’une collectivité, différentes familles peuvent jouir de droits exclusifs sur des parcelles résidentielles, des parcelles agricoles et certains arbres. D’autres membres de cette même collectivité peuvent être privés du droit d’utiliser ces ressources sans le consentement des détenteurs des droits.
- Régime communautaire: un droit communautaire peut exister au sein d’un groupe lorsque chaque membre de celui-ci a le droit d’utiliser de façon indépendante les biens détenus par la communauté, par exemple pour faire paître son bétail dans un pâturage collectif.
- Régime d’accès libre: aucun droit spécifique n’est attribué à personne, et personne ne peut être exclu. Un exemple typique est celui des étendues marines, l’accès à la haute mer étant généralement libre à tous; cela peut s’appliquer également aux pâturages, aux forêts, etc., quand les ressources sont à la libre disposition de tous. (Une différence importante entre la liberté d’accès et un régime communautaire est que, dans ce dernier cas, les personnes n’appartenant pas à la communauté concernée ne sont pas autorisées à utiliser les terres mises en commun.)
- Régime public: les droits de propriété sont attribués à une entité du secteur public. Par exemple, dans certains pays, les terres forestières peuvent être régies par l’État, qu’il s’agisse du gouvernement central ou d’un niveau décentralisé de celui-ci.
|
|
Dans la pratique, on peut trouver la plupart des formes de propriété au sein d’une société donnée, par exemple des droits communautaires de pâturage, la propriété privée de terrains résidentiels et agricoles et la propriété publique des forêts. Les droits coutumiers incluent souvent des droits collectifs concernant les pâturages et des droits privés exclusifs concernant les parcelles agricoles et résidentielles. Dans certains pays, de tels droits coutumiers sont officiellement reconnus et sont détenus par l’État ou le Président au nom de l’ensemble des citoyens.
|
|
|
|
Toute chose sur laquelle, quelqu’un possède un droit peut être considérée comme sa propriété ou son bien. Cette notion a un champ d’application très vaste et inclut, par exemple, la propriété intellectuelle. Pour ce qui est du régime foncier, on parle parfois plus précisément des droits de propriété sur des terres. On établit souvent une distinction entre les «biens immobiliers/immeubles» et les «biens mobiliers/meubles». Au nombre des premiers figurent le sol et les biens accessoires (bâtiments, arbres, etc.) que l’on considère comme ne pouvant être déplacés; et au nombre des seconds, les biens considérés comme non fixés au sol (bétail, etc.).
|
|
|
|
Dans la pratique, diverses personnes ou divers groupes peuvent détenir des droits multiples, situation dans laquelle on parle parfois de «faisceau de droits». Des droits différents portant sur une même parcelle de terre, tels que le droit de la vendre, de l’utiliser en vertu d’un bail ou de la traverser, peuvent être représentés comme les branches regroupées dans ce faisceau. Chaque droit peut être détenu par une partie différente. L’ensemble du faisceau pourrait, par exemple, être partagé entre le propriétaire et un fermier dans le cas d’un contrat d’affermage ou de métayage établissant les conditions dans lesquelles le fermier ou le métayer peut utiliser la terre. Un tel contrat peut constituer un bail officiel portant sur une période pouvant atteindre 999 ans ou se limiter à une entente à l’amiable portant sur une campagne agricole. Si l’exploitation est hypothéquée, le créancier peut avoir le droit de vendre le bien hypothéqué en cas de défaut de remboursement du prêt, et un agriculteur voisin peut avoir le droit de traverser le terrain avec son bétail pour qu’il s’abreuve dans la rivière. Certains exemples de ces droits sont indiqués dans l’encadré 1.
|
|
· Le droit d’utiliser un terrain.
· Le droit d’interdire l’utilisation d’un terrain à des personnes non autorisées.
· Le droit de déterminer le mode d’utilisation d’un terrain.
· Le droit de tirer un revenu d’un terrain.
· Le droit d’être protégé contre une expropriation illégale du terrain.
· Le droit de transmettre les droits sur le terrain à des héritiers (c.-à-d. la possession par les descendants du droit d’hériter du terrain).
· Le droit d’aliéner tous les droits relatifs à la totalité de la propriété (p. ex. en la vendant) ou une portion de celle-ci (p. ex. en la subdivisant).
· Le droit d’aliéner seulement une partie de ces droits (p. ex. par un bail).
· Un droit résiduel sur le terrain, p.ex. quand des droits partiellement aliénés viennent à expiration (notamment à l’expiration d’un bail), ces droits sont à nouveau détenus par la personne qui les avait aliénés.
· Le droit de jouir des droits de propriété pendant une durée indéterminée, c.-à-d. que ces droits n’expirent pas à une date déterminée mais peuvent être valables à perpétuité.
· L’obligation de ne pas utiliser un terrain d’une façon pouvant porter préjudice aux autres membres de la société (ce droit est alors détenu par ceux qui ne jouissent pas du droit d’utiliser le terrain).
· L’obligation de renoncer aux droits sur un terrain lorsque ceux-ci sont retirés en vertu d’une procédure légale (p. ex. en cas d’insolvabilité, ces droits sont détenus par les créanciers ou, en cas de défaut de paiement d’un impôt, ils reviennent à l’État).
|
|
Il peut être parfois utile de présenter une définition simplifiée des droits de propriété de la façon suivante:
|
|
|
|
Droit d’utilisation: le droit d’utiliser le terrain pour la pâture, la production de cultures de subsistance, le ramassage de produits forestiers d’importance mineure, etc.
Droit de disposition: le droit de décider comment un terrain doit être utilisé, notamment quant aux plantes pouvant y être cultivées, et de tirer un avantage financier de la vente de ces cultures, etc.
- Droit de transfert: le droit de vendre ou d’hypothéquer un terrain, de s’en défaire au profit de tiers dans le cadre d’une redistribution intra-communautaire, de le transmettre à des héritiers par voie de legs, et de modifier l’attribution des droits d’utilisation et de disposition.
|
|
Au sein d’une collectivité, les pauvres ne possèdent souvent que des droits d’utilisation. Une femme peut, par exemple, avoir le droit de cultiver une parcelle pour produire de quoi nourrir sa famille tandis que son mari peut collecter le bénéfice résultant de la vente d’une partie de sa production sur le marché local. De telles simplifications peuvent être utiles, mais il convient de noter que les modalités exactes d’attribution et de jouissance des droits fonciers peuvent être très complexes.
|
|
|
|
De façon générale, on établit souvent une distinction entre les droits fonciers «formels» et «informels», ce qui peut toutefois donner lieu à certains problèmes étant donné que, par exemple, certains droits dits informels peuvent être tout à fait formels dans la pratique et dûment reconnus dans leur propre contexte. Une telle classification peut néanmoins être parfois utile.
|